Lettre d’une handicapée niée dans sa dignité au Président de la République

Lundi 11 Juin 2018 Dakaractu

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Monsieur le Président de la République du Sénégal

Le pasteur Martin Luther KING a dit un jour, que l’injustice quelque part, est une menace pour la justice partout… Et il est vrai qu’au Sénégal, nous, sommes blasés par moult injustices auxquelles la pauvreté et la déstructuration nous a habitué.
Mais tout de même, me semble t’il qu’existe une limite dans le supportable ; l’image de ces pauvres dames, Adama NDOUR, Rougui THIAM et Awa GAYE, sans défense, malmenées par ce triste sieur, ASP de son état, devant ses collègues affables, est une limite pour moi.
Moi atteint de handicap comme elles, et qui éprouve par indentification les affres de leur martyr. Je vous somme d’en faire vôtre ; de cette limite et d’user de votre puissance pour protéger mon intégrité; moi et tous les gens qui me ressemblent.

Monsieur le Président, je gage que Luther KING, à la vue de ces horribles images de ces dames en fauteuil, molestées par ce (s) sinistre(s) individu(s) en tenue, censé(s) les protéger, dirait aujourd’hui que : Partout où la dignité est piétinée comme ça, c’est l’humanité qui est niée.

Monsieur le Président, ces images sont à vomir; j’en suis meurtri ; et je veux croire que vous aussi… Et elles en disent beaucoup sur notre Sénégal. Comment ces actes aussi ignobles ont ils pu être commis par cet homme qui se croit autorisé par son uniforme ? Pire, comment ses collègues présents, peuvent-ils cautionner ces actes sans nom de par leur passivité, de par leur agressivité, qu’on devine à l’image, sur ces personnes fragiles. Ces personnes qui, toutes les civilités du monde surprotègent. Ces personnes fragiles dont toutes les religions du livre consacrées au Sénégal, rappellent l’égard particulier qui leur est dû;

Monsieur le Président, beaucoup trop souvent dans mon Sénégal, est omis cet égard. Cet égard, que Allah subhanahu wa ta’ala lui même consacre dans son Saint Coran, descendu dans ce mois béni du ramadan, où, à la sourate 80 versets 1 à 16, il rappela à son prophète MOHAMAD (SAW) le manquement de cet égard vis à vis de l’aveugle Ibn Um Maktum qui sembla l’importuner, dans cette assemblée de noble où il était en prêche.
Notre prophète, depuis ce jour, toujours, accueilli cet aveugle Ibn Um Maktum par cette formule consacrée depuis : « Bienvenue à celui pour lequel mon Seigneur m’a réprimandé ».

Monsieur le Président, parce que je le vis dans ma chair, je veux vous indiquer deux choses que vous ignorez du fait d’être handicapé ;
1°)- Etre atteint de handicap est un rappel de tout instant pour le « frappé » de la conscience d’être vivant. Les rapports au temps et à l’espace sont aussi transformés quand vous êtes handicapé. Le temps fractionné de la montre cède le pas au « temps psychique » qui est celui des représentations intérieures. L’espace lui-même n’est pas seulement fait pour la mobilité, il est d’abord menaçant ou impossible à vivre pour de multiples raisons. Ce sont les « affects » qui prennent ici le pas sur les possibilités de l’espace. L’espace et le temps d’une personne handicapée emportent toujours plus loin.
Humainement parlant, la personne handicapée nous (vous) met dans l’épreuve de la différence. Chaque instant de la vie de son corps et de son esprit manifeste cette différence. L’entourage lui-même y est affronté. Oser vivre différent est un combat avec soi-même et avec les autres. C’est un combat qui nous (vous) porte souvent très loin.

2°)- Comme chacun de nous (vous), la personne handicapée est un être de désir, de parole et de liberté, mais ces trois mots, qui définissent l’existence humaine, s’inscrivent pour elle dans des limites qui ne sont pas temporaires, mais structurelles. Du coup, les moments les plus simples de la vie sont inévitablement marqués par le manque ; le désir trébuche, la parole est courte ou absente, la liberté fort réduite. Et pourtant, du fait même de ces manques, le désir, la parole et la liberté n’en sont pas moins forts et souvent extrêmes.
Essayer de faire comprendre ces notions à la fois simples et complexes au Sénégal, s’apparente aux travaux de Sisyphe, tant nous avons fini de ne consacrer que de la pitié, et son revers le mépris pour ces personnes handicapées. Ce mépris auquel toute la société soumet dans la banalité quotidiennement, ces personnes ; et qui ont finit d’intégrer qu’elles n’auraient droit qu’à cette pitié. Ecoutez-les, vous entendrez  ça de leur bouche.
Monsieur le Président, quid de la compassion ; est-ce que le sénégalais ne mérite pas pour son propre salut d’être guidé dans cette voie qui dictera le respect ; cette voie qui appelle à une projection du sort de la personne en face, sur son propre possible. Cette voie qui fait prendre en charge une partie de la douleur de la personne en face pour l’en décharger un peu; cela en conformité avec nos croyances aux saintes écritures ; ou alors à cette culture de l’universel, dont il est vrai que le bas niveau d’instruction chez nous, a cessé depuis fort longtemps d’alimenter.
C’est pourquoi je veux croire que la question qui s’ouvrira pour vous, sera ce rappel fort à votre devoir de protection envers plus de 20% de la population ; un rappel à cette impérieuse nécessité de vous inspirer des enseignements du prophète, pour le, aussi musulman que vous êtes, ou à défaut, de cette culture dont vous ne manquez pas et qu’on vous sait gré, eu égard à votre rang et votre instruction.

Monsieur le président ; Serions-nous frappés de malédiction ? Pourquoi faudrait-il toujours que nous trainions avec ténacité ces affres et maux de toutes les sociétés, avec les jalons que nous posons chaque jour ; sans que jamais une once de lumière ou et de lucidité ne nous fasse nous corriger.

Monsieur le Président, que faire de ce mal qui touche autant l’intime que le social ?

Monsieur le Président, n’avons nous pas collectivement le besoin de ce message, que les personnes atteintes de handicap sont avant tout des personnes ; et qu’à ce titre, la promotion de représentants visibles à des postes d’honneur, comme Ministre et Député, auraient la double vertu de permettre l’identification de ces personnes en des modèles, tout en distillant dans les esprits que cette dignité due à tous, est indivisible pour tous. Traduire du vécu dans les dispositifs qui organisent notre vivre ensemble ne se délègue pas toujours.
Monsieur le président, où sont les ministres ou les députés issus de ces 20% de cette population handicapée ?
Me semble t’il là est votre chantier que vous nous devez.
En attendant des actes forts pour corriger ce gros déficit, je requiers votre protection de ces personnes immondes, en tenues, qui face à nos corps complétement à leur merci avec un fauteuil roulant pour seul support; cause de ce destin sans appel qui nous oblige à une tète de moins par rapport à eux ; à vous, à tous … Ces hommes et ces femmes atteints de handicap que nous sommes qui ont été niés dans leur dignité par ceux là en tenue qui ont agi en votre nom. Je veux dire mon horreur devant ces images qui m’ont fait mal comme rarement…. Je suis cette femme handicapée Adama NDOUR, Rougui THIAM, Awa GAYE et toutes les autres, frappées par cet ASP devant ses collègues qui le couvrent par leur passivité ; et qui en appelle à vous Monsieur le Président de la République pour que vous me restituez cette dignité qui m’a été niée par ces hommes en tenue que l’Etat a missionné.
Oui Monsieur le Président, rendez ma dignité en proclamant haut et fort que j’ai droit aussi à la protection de l’Etat et à son respect.

Une personne atteinte de handicap qui prête sa plume à Adama NDOUR, Rougui THIAM, Awa GAYE etc…

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