Malvoyant depuis une dizaine d’années, Cheikh Sadibou Ba (51 ans), candidat malheureux aux dernières Locales, et tête de liste départementale majoritaire à Nioro, veut être porté à l’Assemblée nationale, le 31 juillet prochain
Son profil est assez particulier. Malvoyant depuis une dizaine d’années, Cheikh Sadibou Ba (51 ans), candidat malheureux aux dernières Locales, et tête de liste départementale majoritaire à Nioro, veut être porté à l’Assemblée nationale, le 31 juillet prochain.
Teint noir, taille imposante, lunettes claires bien ajustées avec une écharpe floquée à l’effigie de sa coalition autour du cou, rien n’indique que Cheikh Sadibou Ba alias ‘’Dibeuz’’ traîne un handicap. Très souriant, entouré de ses proches qui lui servent de guide avec ou sans l’aide d’une canne, l’homme de 51 ans a la particularité d’être un malvoyant, qui ambitionne d’être élu député au soir du 31 juillet prochain.
Né le 26 mai 1971 à Médina Sabah, au cœur du Saloum, il excellait dans l’enseignement, métier qu’il a d’ailleurs exercé pendant plusieurs années. Mais, il sera frappé par une cécité qui le conduira à une perte totale de la vue, 10 ans plus tard.
Sur les causes de cette maladie inattendue, l’ancien soldat de la craie et pur produit du mouvement ‘’navetaan’’ évoque des croyances mystiques. Toutefois, il refuse toujours d’y croire. « Certains l’avaient assimilé à une école que j’avais décidé de diriger au moment où personne n’en voulait parce que des croyances mystiques avaient, trente ans auparavant, fait de sorte qu’elle a été fermée. Alors que moi j’ai la foi. Je sais que ce qui m’est arrivé, c’est la volonté divine », se rappelle-t-il.
Reconversion professionnelle
Véritable « cartésien », Cheikh Sadibou Ba rassure que cet état est loin de marquer la fin de sa vie active au sein de la communauté. Ce handicap, il le prend avec philosophie. D’ailleurs, il a fait une reconversion professionnelle pour devenir assistant de direction.
« J’ai été évacué en France pour un traitement, j’ai eu des interventions chirurgicales poussées mais quand je suis devenu complètement aveugle, j’ai été formé pour devenir assistant de direction. Je maîtrise l’outil informatique et les techniques de communication par rapport à l’écriture », confie-t-il, jurant qu’il sait tenir le calendrier et le planning de n’importe quel directeur de société, de n’importe quel ministre.
Candidat malheureux (sorti deuxième) lors des dernières élections locales dans la commune de Médina Sabah, le leader du mouvement ‘’sam sa momeel’’ ne compte jamais abdiquer, même s’ il regrette le choix de ses concitoyens.
« Ma commune a raté véritablement l’histoire parce qu’avec moi, ils pouvaient étonner le monde, ils pouvaient attirer les servies des Nations unies, de l’Unesco, et de tous les organismes qui s’occupent d’inclusion, parce que ce n’est pas fréquent de voir un maire aveugle », confie « Dibeuz », qui soutient, qu’il pouvait être parmi les meilleurs maires du Sénégal malgré la cécité.
Aujourd’hui, il a affûté ses armes politiques sous la bannière de la coalition « Bunt bi ». Son objectif : être un député modèle. « Je veux représenter dignement le département de Nioro et tous les Sénégalais au sein de l’Hémicycle, j’ai passé ma vie à défendre l’être humain », dit-il au « Soleil ».
« Ne pas se cacher derrière le handicap »
Aux handicapés du pays, il lance un appel : « Il faut qu’ils se battent, qu’ils sachent que ce n’est pas facile, c’est à eux de prouver qu’il ne faut pas se cacher derrière le handicap pour, soit se victimiser, soit essayer d’attirer la pitié des populations. Mais, il faut être à la hauteur ». Il pense, tout de même, que la discrimination positive est nécessaire et l’Etat doit en prendre la responsabilité. « Il faut que les partis politiques arrêtent la théorie par rapport à l’inclusion et foncent vers le factuel, la pratique, en mettant en avant ceux qui vivent avec un handicap », plaide-t-il, rappelant qu’il y a, dans la société, des handicapés talentueux qui méritent d’être soutenus pour mettre en œuvre leur talent.
Marié et père de 6 enfants. Parmi eux, les trois dont il n’a jamais vu le visage. Mais Ba ne se plaint pas. « Je pourrais vous décrire physiquement comment ils sont », dit-il, le sourire aux lèvres.