Personnage atypique, Omar Laye Ly a autant de centres d’intérêt que de dread locks sur la tête. Il est président du centre pour handicapés de la ville, de l’équipe de handball, d’une association de parents d’élèves, entre autres. Ses différentes activités se retrouvent au sein d’un seul objectif : avancer et faire avancer la jeunesse par le sport et la citoyenneté.
On ne peut pas le louper. Dread Locks au vent, une gouaille qui en a vu d’autres et une bonhomie appréciée par les jeunes filles en fleur qui sont sous sa tutelle. Pour chacune d’elles, il garde une posture paternelle stricte. En ce milieu de l’après-midi, son programme se résume en conseils, horaires de regroupements, questions sur le nombre de balles disponibles. A peine son attention tournée vers nous, qu’une sonnerie retentit. « Don’t worry about a think » tiré de “Three little birds » de Bob Marley, nous le perd. Il décroche son téléphone, promet de rappeler son interlocuteur avant de s’excuser poliment et de raccrocher. « A nous maintenant », dit-il. « A lui », serait-on tenté de dire. Véritable personnage, Omar Laye Ly a tellement de facettes que quand on lui demande de se présenter, il hésite avant de commencer par dire : « Je suis handicapé ». Puis il reprend : « handicapé et membre actif de l’encadrement de l’ASC Diisoo de Guédiawaye avec ses trois sections Basket, Foot et Handball dont il est le président».
Success-story
La section Handball de Diisoo, sacrée championne du Sénégal l’année dernière fera dire à Oumar Ly que « c’était historique car nous avons eu 14 victoires en autant de matchs ». Dans sa philosophie, il y a une hiérarchie : assumer et avancer. « Etre handicapé ne doit pas être rédhibitoire, je suis un dirigeant comme les autres. Nous avons plus de 100 licenciés entre les cadettes, les séniors, les juniors et les minimes ». Une belle vitrine qui cache mal l’arrière-boutique. Le terrain d’entrainement de l’ASC Diisoo Handball manque de tout et est indigne d’une équipe championne sortante. Entre la vétusté, des nids de poule partout, le défaut d’éclairage et de clôture…, la coupe déborde.
« Nous ne pouvons pas recevoir sur notre propre terrain. Nous sommes obligés d’aller à celui de Golf. Le stade Amadou Barry ne peut pas encore recevoir les matches. En plus, il se pose un problème de sécurité. Il n’y a pas de barrière pour empêcher les ballons de sortir, par exemple. On s’est adapté pour avancer ».
Engagement sportif
C’est le crédo de ce père de deux petites filles (4 et 8 ans), marié et arrivé à Guédiawaye à l’âge de 7 ans en 1976. Une véritable célébrité locale pour son engagement citoyen et sportif. Avec le basket, qui occupe une partie du terrain, Oumar s’occupe de 150 jeunes, chaque après-midi, assistés de ses compères Mass Bâ et Cheikh Ba dit Lalas. Ce dernier, ancien joueur de football de la JA, du Casa Sport, de la Sidec ou encore de la CSS, voit Omar Laye « comme un frère ». Pas seulement par la coiffure en locks qu’ils partagent. « S’occuper de l’éducation des jeunes et de leur encadrement sportif et citoyen permet de ne pas les perdre dans les turpitudes de la vie », ajoute Lalas qui est viscéralement lié à Guédiawaye au point de souhaiter y être enterré à sa mort, même s’il est un Baye Fall convaincu. En Europe, chaque enfant aurait pu participer financièrement. Ici c’est une autre réalité. On ne cotise pas, on ne paie pas la licence, tout est gratuit. « Je m’occupe du transport des moniteurs. Chaque année, nous recevons 350 000 F Cfa de la mairie de la ville. Divisée par mois, la somme devient dérisoire, s’indigne Omar Laye. Je lance un appel pour que la mairie augmente ses subventions. Celle de Wakhinane – Nimzatt donnait 100 000 F Cfa en 2014. Nous allons discuter avec eux pour voir ce qui est possible de faire ».
Amoureux de Guédiawaye
Quand on l’interroge sur son lien avec le sport, Omar Laye évoque un manque de choix. « Quand j’étais jeune, il n’y avait que le sport comme principale activité dans toute la ville. Ainsi, des anciens comme Fallou Ndiaye et Mactar Sokhna m’ont mis le pied à l’étrier de l’encadrement des jeunes ». Il balaie d’un revers de la main la pseudo-image négative de Guédiawaye : « C’est une ville qui regorge de personnes positives : d’intellectuels, de sportifs, d’éducateurs. La mauvaise image véhiculée n’est pas conforme à la réalité. Par exemple, nous avons le plus prestigieux lycée du Sénégal avec Limamoulaye ». Amoureux de Guédiawaye au point qu’en 2005, après un voyage en Europe, il fait le choix de rentrer au Sénégal. « Ma famille ne comprenait pas que je revienne pour vivre à Guédiawaye au lieu de rester là-bas. Je devais poursuivre un projet pour les handicapés ». En tant que handicapé, il confie être plus au fait des problématiques des personnes en situation de handicap. « J’ai créé un centre de formation et d’insertion pour les handicapés pour la ville de Guédiawaye. Je m’occupe de leurs matériels orthopédiques. C’est une activité initiée à Guédiawaye mais qui a fini par faire le tour du Sénégal ».
Sacrifices
Son idée était de faire du centre un outil capable de faire sortir de la rue (la mendicité) des personnes en situation de handicap. « Il s’agissait de trouver une alternative au fait de tendre la main pour disposer d’une formation afin de gagner sa vie honnêtement ». Depuis sa création en 1997, le centre a une fréquentation d’une centaine de personnes par an. Il accueille aussi des valides comme les jeunes filles qui ont quitté très tôt l’école afin de leur offrir des formations. Il y a cinq métiers : coupe-couture, cordonnerie, l’aspect culturel, handisport.
Malgré un caractère éducatif et citoyen évident, son initiative ne reçoit pas encore le soutien financier des autorités municipales. « Il n’y a pas de subvention annuelle… sauf une fois du temps du maire Bocar Sédikh Kane. Nous nous en sortons grâce à la cotisation des membres et la participation des jeunes filles formées ». L’art de la débrouille et du système D, Omar Laye maîtrise. « Le local est notre propriété. Nous avions, dans un premier temps, acheté le terrain, par la suite, j’ai eu des partenaires qui sont en Europe qui m’ont aidé pour la construction du centre avec l’appui du quartier. C’est ce que nous appelons des chantiers de jeunes. Ce sont des Allemands qui ont financé la construction du centre. Cela m’a valu un voyage pour expliquer comment un handicapé a pu réussir là où des valides ont échoué ».
Par Moussa DIOP (Le soleil)